La vie
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20230111 - Pourquoi je n'ai pas eu d'enfant
- Par Annie Benkovic
- Le 11/01/2023
- Dans La vie
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On me demande parfois pourquoi je n’ai pas eu d’enfant.
Les années 70, adolescente aux idées sociales bien aiguisées par l’après Mai 68, où l’on parlait de surpopulation, j’ai décidé que je n’aurais pas d’enfant. L’envie d’être mère était, à l’époque, bien éloignée de moi. Après 7 ans d’internat dans un lycée, je ne me voyais vraiment pas me mettre la bride au cou intentionnellement. Mon envie de liberté dominait tout.
Et puis, je considérais que pour faire un enfant, il faut déjà faire un couple solide. D’avoir vu ma mère partir, mon père pleurer, leur divorce, je m’étais dit « pas par moi ».
Puis j’ai rencontré jp (j’arrête d’écrire « l’homme dont j’étais la compagne », jp, c’est plus court). Un aventurier qui faisait les marchés l’été et voyageait l’hiver. Parfait. Pas d’histoire de mariage, pas d’histoire d’enfant. La Grande Vadrouille.
Je me souviens d’une anecdote. Nous louions une caravane à Wimereux. C’était un vendredi 13 août. Je faisais le marché du Portel. Le temps était pourri, d’énormes rafales de vent, une pluie méchante, j’étais en anorak, debout sur le pied de parasol pour qu’il ne s’envole pas. Retour à la caravane vers midi, jp est là, il me dit « on se casse, on part en Auvergne » (d’où il était originaire). Et ni une ni deux, les affaires dans la voiture, les clefs de la caravane dans la boite aux lettres du proprio et hop, on prend la route de Clermont-Ferrand… Ha bon, on peut faire ça ?... Et nous voici en Auvergne, et il fait beau et chaud et l’Auvergne est magnifique. Quel bonheur, il a vraiment eu raison ! Et ainsi nous avons vécu, louant parfois un appartement ici, une maison là, vivant chez sa mère, chez des amis, et partant l’hiver au soleil.
Je n’avais pas compris son instabilité et, au fil des années, les choses ont dégénéré. Même si je ne connaissais rien des pervers narcissiques (on n’en parlait pas, à l’époque), je savais une chose, je n’aurais certainement pas d’enfant avec lui ; comme il le suggéra au bout d’un certain temps.
A Goa, où nous allions l’hiver, j’ai croisé un homme et je sais que là, j’ai « raté le coche ». La peur a dominé. Peur de perdre tout contrôle face à l’attirance brûlante que nous éprouvions l’un pour l’autre ; la peur aussi de ce que jp aurait pu faire pour se venger, et il était plein d’imagination à ce sujet. Je n’ai jamais sauté le pas.
Et l’Inde était bien trop loin de mes parents.
Voilà.
C’est quand j’ai rencontré B. que j’ai enfin réussi à m’arracher de l’emprise de jp. J’étais en piteux état psychologiquement mais mon horloge biologique avait sonné. Je voulais un enfant. B. était gentil, attentionné et il semblait qu’il serait un père parfait, il émanait de lui une chaleur paternelle quand il s’adressait à de plus jeunes qui me le faisait penser. Il m’apprit plus tard qu’il avait déjà 5 enfants. L’histoire a ensuite rapidement dégénéré - à nouveau - et cette fois, je me suis retrouvée plongée dans un état de sidération qui m’a empêchée de réagir. Déjà minée psychologiquement, j’ai sombré. Et j’ai mis des années à m’en remettre.
Quand j’ai rencontré Daniel, j’étais encore très mal. Nous sortions beaucoup, buvions beaucoup… J’étais, certes, encore en âge mais certainement pas en état d’avoir un enfant. Nous étions, de plus, en emploi précaire tous les deux. Pour moi, il était hors de question d’avoir des enfants et de ne pouvoir leur offrir ce qui m’avait manqué, à moi. Les cours à l’extérieur du lycée, de danse, d’escrime ou de musique ou que sais-je, auxquels assistaient plusieurs internes que leurs parents venaient chercher pour les y conduire. Rien de ça, pour moi, mes parents habitaient trop loin et n’étaient pas assez aisés financièrement.
Puis la question ne s’est plus posée. Aujourd’hui, je vis seule.
Comment je me sens par rapport à ça ? Pas trop mal, ça va. Certes, ça n’a pas toujours été le cas, je me souviens que je ne pouvais pas m’approcher d’un bébé, à une époque, sans qu’il se mette à pleurer tant mon désir refoulé de maternité était puissant.
Maintenant, des bébés me sourient, m’envoient des bisous, des petits me prennent la main en toute confiance. C’est une très grande émotion, à chaque fois.
Alors, tout va bien.