20230203 - Ma route vers le Judaïsme

Me voici donc rentrée en France et je retombe entre les griffes de jp. C’est terrible, ce sentiment d’impuissance. Il m’avait coupée de tous mes amis, ne gardant que ceux dont il pouvait faire les siens. Quant à mon père, qui aimait avant tout la paix de l’esprit, il évita toujours soigneusement de me poser des questions qui auraient pu le déranger et ne chercha jamais à se mêler de ma vie. Et j’avais honte de ce que j’étais devenue, trop honte pour leur faire face. Je n’avais plus rien à voir avec la petite fille qu’ils avaient élevée.

J’avais passé les dernières années à « détricoter » par derrière les plans tordus dans lesquels jp voulait impliquer d’autres personnes bien naïves. Il faut dire qu’il avait du charisme et il savait faire passer ses idées les plus folles en faisant rire autour de lui. Aujourd’hui, on dirait de lui que c’était un sociopathe. Finalement, là, je me trouvais utile. Je sauvais des gens. J’en avais fini par conclure que c’était peut-être ça, ma destinée, l’empêcher de nuire…

Mais, bien sûr, à l’intérieur, je m’effondrais peu à peu. J’avais fini par céder sur certains points, reculer, puis céder sur d’autres et, à la fin, je ne me reconnaissais plus.

Et ainsi, un jour, nous sommes partis pour l’Espagne.

Je sentais bien que je perdais pied, je désespérais de m’en sortir mais je suivais, ne connaissant plus d’autre vie. Et, à l’intérieur de moi, je hurlais pour qu’on vienne me secourir, hurlais de toutes mes forces, de toute mon âme. Et la Vie m’a répondue. Et je me suis retrouvée face au Judaïsme. Bien sûr, maintenant, avec le recul, je sais que le Judaïsme allait apporter beaucoup de réponses à mes questions et allait me transformer jusqu’à ce que je me retrouve. Mais, à ce moment-là…

Je suis née catholique. Je devais aller à la messe tous les dimanches et prendre des cours de catéchisme jusqu’à ma communion. Mes parents, pas du tout religieux, m’avaient promis que je ferais comme je voulais une fois ma communion faite. Et le dimanche suivant ma communion, on ne me vit pas à l’église, ni ceux d’après. Et bien contente d’être débarrassée de cette corvée.

Ma grand-mère maternelle me confia un jour que nous étions d’origine juive. Je dis bien d’origine, car, à l’époque, je croyais que si l’on sortait du Judaïsme, on ne pouvait y revenir. Voilà l’idée que j’avais reçue. Aussi, je gardais, bien sûr, cette information dans une petite case de ma mémoire, mais n’y accordais qu’une importance anecdotique. Puisque nous étions sorties du Judaïsme, pourquoi le mentionner ? D’autre part, j’avais croisé des personnes qui, pour attirer l’attention et se donner de l’importance, disaient qu’elles étaient peut-être d’origine juive ; leur attitude m’irritait au plus haut point.

Aussi, quand je rencontrai cet homme juif, je ne dis rien.

Je ne connaissais rien au Judaïsme et je croyais qu’il n’y en avait qu’un, l’Orthodoxe, qui me faisait peur, et donc que, soit on était orthodoxe, soit on était sorti de la religion et on n’y accordait plus d’importance. Comme j’avais fait avec le catholicisme. J’avais bien vu qu’entre ce qui était prêché à l’église et ce qui se passait dans la vie courante, il y avait un gouffre, comme deux mondes totalement séparés. Je ne savais pas que c’était tout l’inverse dans le Judaïsme.

Aussi, puisqu’il s’intéressait à moi « qui n’étais pas juive », c’est que ça n’avait pas d’importance pour lui, non ? Mais, bien sûr, ça en avait.

Quand j’arrivais à échapper à l’emprise de jp, je n’étais plus qu’une enfant sauvage, agissant à l’instinct, sentiment exacerbé par les années passées à Goa. J’avais besoin de temps pour revenir à la raison. Mais les évènements se précipitaient, allant trop vite pour moi.

Face au Judaïsme, ce fut le clash. Et cet homme qui avait été attentif, prévenant, attentionné, qui me faisait croire que la promesse de Goa, celle de l’amour, se réalisait, cet homme se transforma en être distant et froid. Et là, je m’effondrais. N’y avait-il donc aucun soutien à attendre de personne ? J’avais tout perdu et par dessus tout, j’avais perdu l’espoir d’une vie plus juste qui m’avait jusque là motivée. J’avais tout perdu, j’étais dévastée, j’aurais dû mourir mais j’étais encore vivante. Alors, il fallait tout reprendre du début, il fallait, malgré ce sentiment de désespoir, se remettre à la tâche, se remettre à vivre. Et les années ont passé, j’ai pris beaucoup de chemins qui ne m’ont menée nulle part et à chaque fois, il me fallait me remettre en question.

Cet homme, qui avait été un élément charnière dans ma vie, avait disparu de la scène. Et moi qui n’avais jamais été obsessionnelle, je me prenais à être obsédée par son souvenir. Je tentais de le repousser dans mes pensées, il revenait en rêve. Je me demandais pourquoi, et qui il était après tout pour moi, et je rêvais qu’on me disait de regarder derrière moi et je le voyais, tout sourire, comme m’encourageant à avancer.

Mais où que je regarde, dans la vie réelle, je ne le voyais pas. Et j’ai voulu tirer un grand trait. Et j’ai rencontré Daniel. Daniel Benkovic, juif de père. Et cela, je l’ai appris alors que nous venions de divorcer, 20 ans plus tard. « Si tu ne viens pas au Judaïsme, le Judaïsme viendra à toi », était-ce ça ?

Après notre séparation, la pensée de B., cet homme juif, revint à la surface et se fit si pressante que j’en étais à envisager d’aller voir une psy. Et alors qu’un jour de Pâque, je le cherchais sans y croire sur internet, je suis enfin tombée sur lui.

Bon, cette fois-là non plus, ça n’a pas marché du tout entre lui et moi. Une fois de plus, je n’ai rien dit de mes origines juives. Quand on me demandait si j’étais juive, je disais que non. Tout simplement parce que je ne savais pas ce que ça voulait dire qu’être juive et je sentais qu’il y avait là une profondeur que je ne possédais pas.

Cependant, une de ses relations, Ann, me prit en amitié et nous commençâmes à correspondre. C’était en 2011. Et peu à peu, je me suis mise à changer. Elle a été et reste une amie formidable.

En 2018, je rencontrai Suzanne, qui me demanda d’être photographe à son mariage. Elle me dit « ne t’inquiètes pas, le rabbin est un rabbin libéral », ce à quoi, les yeux écarquillés, je répondis à nouveau que je n’étais pas juive. Elle insista pourtant pour que je vienne et je crois que c’est à ce moment-là que j’ai parlé de mes origines. Et elle : « mais alors, tu es juive ! ». C’est à cette occasion que je rencontrai le Rabbin Haddad, qui unit religieusement mes deux amis.

Un an plus tard environ, je sonnais à la porte de la synagogue, rue Copernic.

Alors que j’attendais pour qu’on m’ouvre, un homme passa, me regarda et cracha un « juive ! » virulent. Voilà, j’étais tout de suite dans le bain… Ça m’a fait sourire et en moi-même, j’ai dit « pas encore, mais bientôt, j’espère », ha ha.

Cependant, j’habitais Arras et ma pauvreté m’empêchait d’aller à Paris toutes les semaines. Le Rabbin m’envoyait les cours en pdf mais je manquais quand même une grande partie de l’enseignement. Un jour, j’ai voulu y assister même si je n’en avais pas vraiment les moyens et j’ai pris le train. Celui du retour, pour une fois, ne s’arrêtait pas à Arras et je me suis retrouvée à Lille à 23:30, avec comme option l’hôtel ou le taxi. J’ai choisi le taxi, je voulais rentrer chez moi. Je racontais mes malheurs au chauffeur, un monsieur musulman, et il me réconforta, me disant qu’il y avait une raison à tout. Je suis rentrée chez moi et j’ai décidé de ne plus tenter de forcer le destin.

Quelques mois plus tard, le Covid nous forçait au confinement, les cours se passèrent alors par Zoom, et je pus les suivre dans leur intégralité. Je passai devant le Bet Din et m’immergeait ensuite dans le mikvé en compagnie du rabbin Pauline Bebe. Enfin, quelques mois plus tard, je faisais ma montée à la Torah en présence du rabbin Haddad. Et lors de ce parcours, je me suis peu à peu sentie devenir juive. J’ai continué, bien sûr, en lisant, en réfléchissant, en échangeant avec le rabbin et, peu à peu, je me suis sentie devenir… Moi. En août dernier, je suis retournée à la synagogue, c’est mon petit pèlerinage à moi. Je me suis promise d’y aller tous les ans à la même époque.

 
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