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  • 20230223 - Et c'est tout ?

    « Et alors, c’est tout ? » me demande avec insistance la petite voix dans ma tête, le récit s’arrête là ? Ou c’est une répétition de « j’ai fait ma communion, je suis débarrassée de toute obligation ? » Cherche bien au fond de toi-même, Annie… Avoue-toi les choses que tu n’oses pas regarder !

    Aurais-je pu faire fi des signes qui ont jalonné mon chemin ? Non, car tout m’y ramenait sans cesse. J’étais prisonnière d’une autre volonté, une volonté supérieure et pourtant intérieure. Quand le cœur et la tête ne sont pas sur le même diapason… Ma tête disait « pourquoi faire ? » et mon cœur avait besoin de se retrouver.

    Et un jour, ma tête a rendu les armes de ce que je croyais être mon indépendance.

    Ensuite, la question ne s’est plus posée. J’avais décidé de m’engager sur cette voie. Et j’ai commencé à découvrir un univers qui me correspondait et mon cœur a commencé à s’apaiser. Je me souviens encore de cette fois où, ayant écrit au rabbin sur des réflexions que je m’étais faites, je lisais, deux jours après, des écrits similaires dans un livre qu’il m’avait conseillé. Cela m’atteignit en profondeur. Et ainsi vinrent le plaisir et la joie de la découverte.

    Alors oui, je me suis sentie un peu perdue, soudain, après ma confirmation. Oh comme j’aurais aimé, à cette époque-là, habiter plus près de Paris et pouvoir participer de la vie de Copernic ! Soudain, je me sentais bien isolée.

    Le rabbin m’avait conseillé de me rapprocher d’une communauté proche de chez moi.

    Il n’y a pas de synagogue à Arras, je me suis donc rapprochée de celle de Lens. Et j’ai été invitée à assister au son du Shofar et au repas qui suit Yom Hakippurim. Oh comme j’étais stressée ! J’ai failli ne pas y aller. Deux jours auparavant, ma voiture était tombée en panne et je n’avais trouvé personne pour la réparer. J’en informais Sylvain, qui s’occupe de la synagogue de tout son coeur, et il insista. Mon amie Mimi me prêta sa voiture. Bien sûr, oui, j’ai conduit ce jour-là mais on fait comme on peut !

    J’ai failli me tromper de porte et arriver directement dans la synagogue où les rabbins, venus spécialement de Paris, priaient ! Heureusement quelqu’un est arrivé à temps et m’a montré la bonne entrée !

    J’ai, depuis, participé à toutes les fêtes célébrées à la synagogue. J’y vais avec grand plaisir, comme on rejoint un cocon de chaleur humaine.

    Bientôt Pourim ! Sylvain voudrait que nous venions déguisés ! Bon, je vais aller farfouiller dans mes archives vestimentaires !

  • 20230203 - Ma route vers le Judaïsme

    Me voici donc rentrée en France et je retombe entre les griffes de jp. C’est terrible, ce sentiment d’impuissance. Il m’avait coupée de tous mes amis, ne gardant que ceux dont il pouvait faire les siens. Quant à mon père, qui aimait avant tout la paix de l’esprit, il évita toujours soigneusement de me poser des questions qui auraient pu le déranger et ne chercha jamais à se mêler de ma vie. Et j’avais honte de ce que j’étais devenue, trop honte pour leur faire face. Je n’avais plus rien à voir avec la petite fille qu’ils avaient élevée.

    J’avais passé les dernières années à « détricoter » par derrière les plans tordus dans lesquels jp voulait impliquer d’autres personnes bien naïves. Il faut dire qu’il avait du charisme et il savait faire passer ses idées les plus folles en faisant rire autour de lui. Aujourd’hui, on dirait de lui que c’était un sociopathe. Finalement, là, je me trouvais utile. Je sauvais des gens. J’en avais fini par conclure que c’était peut-être ça, ma destinée, l’empêcher de nuire…

    Mais, bien sûr, à l’intérieur, je m’effondrais peu à peu. J’avais fini par céder sur certains points, reculer, puis céder sur d’autres et, à la fin, je ne me reconnaissais plus.

    Et ainsi, un jour, nous sommes partis pour l’Espagne.

    Je sentais bien que je perdais pied, je désespérais de m’en sortir mais je suivais, ne connaissant plus d’autre vie. Et, à l’intérieur de moi, je hurlais pour qu’on vienne me secourir, hurlais de toutes mes forces, de toute mon âme. Et la Vie m’a répondue. Et je me suis retrouvée face au Judaïsme. Bien sûr, maintenant, avec le recul, je sais que le Judaïsme allait apporter beaucoup de réponses à mes questions et allait me transformer jusqu’à ce que je me retrouve. Mais, à ce moment-là…

    Je suis née catholique. Je devais aller à la messe tous les dimanches et prendre des cours de catéchisme jusqu’à ma communion. Mes parents, pas du tout religieux, m’avaient promis que je ferais comme je voulais une fois ma communion faite. Et le dimanche suivant ma communion, on ne me vit pas à l’église, ni ceux d’après. Et bien contente d’être débarrassée de cette corvée.

    Ma grand-mère maternelle me confia un jour que nous étions d’origine juive. Je dis bien d’origine, car, à l’époque, je croyais que si l’on sortait du Judaïsme, on ne pouvait y revenir. Voilà l’idée que j’avais reçue. Aussi, je gardais, bien sûr, cette information dans une petite case de ma mémoire, mais n’y accordais qu’une importance anecdotique. Puisque nous étions sorties du Judaïsme, pourquoi le mentionner ? D’autre part, j’avais croisé des personnes qui, pour attirer l’attention et se donner de l’importance, disaient qu’elles étaient peut-être d’origine juive ; leur attitude m’irritait au plus haut point.

    Aussi, quand je rencontrai cet homme juif, je ne dis rien.

    Je ne connaissais rien au Judaïsme et je croyais qu’il n’y en avait qu’un, l’Orthodoxe, qui me faisait peur, et donc que, soit on était orthodoxe, soit on était sorti de la religion et on n’y accordait plus d’importance. Comme j’avais fait avec le catholicisme. J’avais bien vu qu’entre ce qui était prêché à l’église et ce qui se passait dans la vie courante, il y avait un gouffre, comme deux mondes totalement séparés. Je ne savais pas que c’était tout l’inverse dans le Judaïsme.

    Aussi, puisqu’il s’intéressait à moi « qui n’étais pas juive », c’est que ça n’avait pas d’importance pour lui, non ? Mais, bien sûr, ça en avait.

    Quand j’arrivais à échapper à l’emprise de jp, je n’étais plus qu’une enfant sauvage, agissant à l’instinct, sentiment exacerbé par les années passées à Goa. J’avais besoin de temps pour revenir à la raison. Mais les évènements se précipitaient, allant trop vite pour moi.

    Face au Judaïsme, ce fut le clash. Et cet homme qui avait été attentif, prévenant, attentionné, qui me faisait croire que la promesse de Goa, celle de l’amour, se réalisait, cet homme se transforma en être distant et froid. Et là, je m’effondrais. N’y avait-il donc aucun soutien à attendre de personne ? J’avais tout perdu et par dessus tout, j’avais perdu l’espoir d’une vie plus juste qui m’avait jusque là motivée. J’avais tout perdu, j’étais dévastée, j’aurais dû mourir mais j’étais encore vivante. Alors, il fallait tout reprendre du début, il fallait, malgré ce sentiment de désespoir, se remettre à la tâche, se remettre à vivre. Et les années ont passé, j’ai pris beaucoup de chemins qui ne m’ont menée nulle part et à chaque fois, il me fallait me remettre en question.

    Cet homme, qui avait été un élément charnière dans ma vie, avait disparu de la scène. Et moi qui n’avais jamais été obsessionnelle, je me prenais à être obsédée par son souvenir. Je tentais de le repousser dans mes pensées, il revenait en rêve. Je me demandais pourquoi, et qui il était après tout pour moi, et je rêvais qu’on me disait de regarder derrière moi et je le voyais, tout sourire, comme m’encourageant à avancer.

    Mais où que je regarde, dans la vie réelle, je ne le voyais pas. Et j’ai voulu tirer un grand trait. Et j’ai rencontré Daniel. Daniel Benkovic, juif de père. Et cela, je l’ai appris alors que nous venions de divorcer, 20 ans plus tard. « Si tu ne viens pas au Judaïsme, le Judaïsme viendra à toi », était-ce ça ?

    Après notre séparation, la pensée de B., cet homme juif, revint à la surface et se fit si pressante que j’en étais à envisager d’aller voir une psy. Et alors qu’un jour de Pâque, je le cherchais sans y croire sur internet, je suis enfin tombée sur lui.

    Bon, cette fois-là non plus, ça n’a pas marché du tout entre lui et moi. Une fois de plus, je n’ai rien dit de mes origines juives. Quand on me demandait si j’étais juive, je disais que non. Tout simplement parce que je ne savais pas ce que ça voulait dire qu’être juive et je sentais qu’il y avait là une profondeur que je ne possédais pas.

    Cependant, une de ses relations, Ann, me prit en amitié et nous commençâmes à correspondre. C’était en 2011. Et peu à peu, je me suis mise à changer. Elle a été et reste une amie formidable.

    En 2018, je rencontrai Suzanne, qui me demanda d’être photographe à son mariage. Elle me dit « ne t’inquiètes pas, le rabbin est un rabbin libéral », ce à quoi, les yeux écarquillés, je répondis à nouveau que je n’étais pas juive. Elle insista pourtant pour que je vienne et je crois que c’est à ce moment-là que j’ai parlé de mes origines. Et elle : « mais alors, tu es juive ! ». C’est à cette occasion que je rencontrai le Rabbin Haddad, qui unit religieusement mes deux amis.

    Un an plus tard environ, je sonnais à la porte de la synagogue, rue Copernic.

    Alors que j’attendais pour qu’on m’ouvre, un homme passa, me regarda et cracha un « juive ! » virulent. Voilà, j’étais tout de suite dans le bain… Ça m’a fait sourire et en moi-même, j’ai dit « pas encore, mais bientôt, j’espère », ha ha.

    Cependant, j’habitais Arras et ma pauvreté m’empêchait d’aller à Paris toutes les semaines. Le Rabbin m’envoyait les cours en pdf mais je manquais quand même une grande partie de l’enseignement. Un jour, j’ai voulu y assister même si je n’en avais pas vraiment les moyens et j’ai pris le train. Celui du retour, pour une fois, ne s’arrêtait pas à Arras et je me suis retrouvée à Lille à 23:30, avec comme option l’hôtel ou le taxi. J’ai choisi le taxi, je voulais rentrer chez moi. Je racontais mes malheurs au chauffeur, un monsieur musulman, et il me réconforta, me disant qu’il y avait une raison à tout. Je suis rentrée chez moi et j’ai décidé de ne plus tenter de forcer le destin.

    Quelques mois plus tard, le Covid nous forçait au confinement, les cours se passèrent alors par Zoom, et je pus les suivre dans leur intégralité. Je passai devant le Bet Din et m’immergeait ensuite dans le mikvé en compagnie du rabbin Pauline Bebe. Enfin, quelques mois plus tard, je faisais ma montée à la Torah en présence du rabbin Haddad. Et lors de ce parcours, je me suis peu à peu sentie devenir juive. J’ai continué, bien sûr, en lisant, en réfléchissant, en échangeant avec le rabbin et, peu à peu, je me suis sentie devenir… Moi. En août dernier, je suis retournée à la synagogue, c’est mon petit pèlerinage à moi. Je me suis promise d’y aller tous les ans à la même époque.

  • 20230127- Mysticisme en Inde

    Et ainsi, un jour, je suis partie en Inde.

    Maintenant, ce que je vais décrire ici est uniquement du ressenti, des instants qui m’ont fortement marquée sans que j’aie particulièrement conscience de leur importance sur le moment. Juste des instants que je n’ai pu oublier et qui, les uns ajustés aux autres, forment une trame qui m’a semblée cohérente, après des années d’analyse.

    Après 3 semaines passées à Goa, le temps de se remettre du décalage horaire, de décompresser du mode de vie européen et de se mettre au rythme de vie goanais, nous sommes partis en expédition, direction le sud de l’Inde, en moto.

    Je me souviens du départ, de cette route sinueuse qui traversait une immensité boisée, de cette pluie de fin de mousson qui nous avait trempés en un instant et de cette chanson idiote qui ne m’a plus quittée de tout le voyage « l’orage a fait tomber sur moi toute la pluie du ciel » (Stone et Charden, je crois ?)

    Direction Hubli, puis Bangalore, Ooty, Mysore…

    Je me souviens d’un petit hôtel, le seul que nous ayons pu trouver ce soir-là, douche et toilettes communes, draps reprisés et la visite d’un cafard gros comme mon pouce, doté d’un restaurant qui ne servait que le thali… et le patron qui, à la fermeture, nous invite à rentrer les motos dans le restaurant afin qu’elles soient à l’abri.

    Un hôtel où nous avons la surprise de trouver au matin nos motos nettoyées et rutilantes. Il faut dire qu’elles en avaient bien besoin !

    Patrick, le frère de JP, avait décidé de prendre un raccourci. Très vite, la route s’était transformée en chemin de terre passablement détrempé par la queue de mousson. Et, bien sûr, le soir tombe. Je finis par caler dans une flaque et je m’aperçois que la pédale de kick a fini sa carrière quelquepart derrière moi. Après de nombreuses tentatives, on finit, avec JP et son passager qui faisaient office de moto-balai, par la redémarrer. Les deux motos de tête ne nous ont pas attendus, mais bon, tout va bien, on va en voir le bout, de ce chemin… Après tout, on avait évité un char à buffles non éclairé, on avait dérapé souvent mais sans tomber, sûrement, c’était bon, là, non ? Et bien non. Deux gros phares qui arrivent en face. Quoi ? Un bus sur ce chemin bordé de rizières en contrebas ? Il n’y a pas la place pour tous les deux. Je sais que le bus ne s’arrêtera pas. Je n’y vois rien, mon phare éclaire mal, je dois me jeter sur le côté avec la moto, sans savoir si je ne vais pas tomber dans une rizière. A Dieu va. Il y a une petite sente, assez pour les pneus de la moto, je croise le bus, je reviens sur le chemin, je suis passée, derrière, JP a suivi. Mon cœur a chanté la vie jusqu’à l’arrivée à l’hôtel. Et donc, le lendemain, nos motos, qui faisaient tache dans la jolie cour pimpante de l’hôtel, avaient été nettoyées.

    Et puis, Mysore, la capitale de la soie. Ce soir là, nous nous permettrons une nuit au Lalit Mahal Palace, l’ancien palais d’été des Maharadjas de Mysore, transformé en hôtel, à quelques kilomètres de la ville.

    Dans cette même direction se trouve Chamundi Hill.

    Il est dit qu’une déesse occupe le somment de cette colline, une déesse si puissante que l’Hindouisme fut contraint de l’intégrer dans son panthéon. Cela, je l’ai lu bien plus tard, comme j’ai lu, encore plus tard, qu’il était habituel, dans les temps anciens, de vénérer des dieux ou des déesses qui résidaient au sommet de collines. Je ne pouvais donc croire en quelquechose que j’ignorais.

    JP décida d’aller visiter le temple à son sommet le soir même.

    Je me souviens de ce plaisir que j’éprouvais, la douceur de la nuit après une journée chaude, les effluves de la terre, la majesté des plantes qui bordaient la route grimpant jusqu’au temple et même le ronronnement puissant et rassurant de la Royal Enfield de JP… n’avoir pas assez de ses cinq sens pour tout absorber. Et puis… la joie d’avoir échappé au moule que l’on veut nous imposer. J’étais libre, sillonnant les routes du sud de l’Inde, en accord avec moi-même. Je me sentais vivante, oh si vivante !

    Je sais comment j’étais à l’époque et je ne me préoccupais pas de pensées dérangeantes.

    Aussi, celle qui s’insinua en moi me prit par surprise. Qu’est qui manquait à mon bonheur ? Quoi ? Comment ? Mais, n’étais-je pas parfaitement heureuse, à ce moment-là, à cet endroit-là ? Mais mon cœur soupira. Si seulement j’étais avec quelqu’un que je pouvais aimer… alors oui, j’aurais connu le Nirvâna à ce moment-là. JP était bien trop infantile pour être celui-là. Le moment passa. Nous arrivâmes au temple, un prêtre était devant l’entrée, « semblant nous attendre » remarqua JP, qui, d’une façon biaisée, était un mystique. Bien sûr, qu’il nous attendait, avec le bruit de la moto sur cette petite route déserte à cette heure, on nous entendait arriver de loin. Voilà, moi, ce que je pensais, je crois que dans le mysticisme comme dans tout, il faut savoir rester rationnel, non ?

    Voilà, rien de plus, à part cette forte impression qu’il y avait eu en moi une pensée extérieure à moi.

    Le périple se poursuivit, retour par la côte jusqu’à Goa. Et la vie continua. Et les années passèrent.

    Je menais une vie très sage à Goa, de par la jalousie maladive de JP. Mais finalement, cela me convenait. J’aimais me lever tôt, prendre la moto pour aller chercher le petit déjeuner, admirer le soleil se lever sur les rizières et la brume s’étirer paresseusement avant de disparaître sous ses rayons. Les buffles que l’on conduisait aux champs, les charrettes, les écolières en uniforme, et le sugar cane juice agrémenté de lime et de gingembre que je buvais à la petite cahute du coin, parce que « c’est bon pour la santé ».

    Et tout cela baignait dans la lumière dorée du petit matin.

    Quelques années plus tard donc, la saison est bien avancée, Goa commence à se vider. JP part avant moi, je l’accompagne à Bombay (oui, c’est encore Bombay à l’époque) puis je rentre par l’avion de l’après-midi. Enfin libre ! Je file directement à la plage. Quand j’y arrive, j’ai un choc, elle est totalement vide. Où est passé tout le monde ? Même si c’est la fin de la saison, il y a encore habituellement une cinquantaine de personnes sur cette plage. Non, il n’y a qu’un homme, assis face à la mer. A bien y réfléchir, toute la scène a un côté biblique. Je m’installe un peu en retrait. Une femme passe, vendant des fruits. Il lui achète un ananas, se tourna alors pour regarder autour de lui et, me voyant, m’invite à le partager avec lui. Nous passerons les 10 jours qu’il me reste à Goa ensemble. Il est prévenant, attentif, un brin romantique. Alors qu’un soir, en rentrant à l’hôtel nous longeons un terrain en friche, nous passons près d’un banyan, l’arbre « magique », il me regarde et me dit « nous n’oublierons jamais cet instant ». Je n’ai, du coup, jamais oublié. Comme c’était bon d’être bien traitée.

    Et un matin, alors que je rentrais en mobylette là où je logeais normalement, toute joyeuse, toute heureuse, la vie offrait de si bons moments… j’ai soudain eu une drôle de sensation, comme de passer à travers une membrane vibratoire. C’est la meilleure façon que j’ai trouvée de décrire ce que j’ai ressenti. Et j’ai eu l’impression d’ouvrir les yeux sur un paysage plus lumineux, plus coloré, plus vibrant de vie. Et à partir de là et pendant un certain temps, tout ce qui posait problème dans ma vie de tous les jours semblait trouver sa solution sans que j’aie à intervenir. C’était incroyable, époustouflant… très déstabilisant. Je ne savais pas et je ne comprenais pas. Je pouvais juste observer et essayer de donner un sens à tout ça.

    Bref, arriva ce qui devait arriver à quelqu’un qui n’est pas préparé, ce fut la chute.

    Depuis, je remonte, étape par étape, espérant retrouver un jour en moi le plaisir de Vivre. Oui, je vais de mieux en mieux.

  • L'ange

    Je devais avoir 6 ou 7 ans. Tous les dimanches, une famille de cultivateurs habitant plus loin sur la route passait devant chez nous pour aller à la messe et m’attendait pour m’y emmener. Mes parents ne mettaient pas les pieds à l’église aussi se faisaient-ils un devoir d’assurer mon éducation religieuse. J’aimais assez bien la messe en latin, ça donnait une impression d’incantation magique, mais la plupart du temps, je m’ennuyais sec et alors, je me perdais dans l’admiration des vitraux représentant les 14 stations du chemin de croix (si mes souvenirs sont exacts) dans de si belles couleurs lumineuses.

    Pour la période de Noël, la crèche était installée et, au lieu qu’un enfant de chœur passe dans les rangs pour la quête, nous défilions devant celle-ci pour y déposer notre obole. C’était mon premier Noël dans l’église d’Aix-Noulette, je me suis levée et j’ai suivi le mouvement. J’étais juste derrière une dame imposante dans un manteau bleu et je ne voyais que ce manteau. Quand mon tour arriva, je ne savais pas quoi faire de ma pièce et la dame derrière moi m’a indiqué la statue d’un ange portant un sac installée sur le côté et me dit de la mettre dans le sac, ce que je fis. Et là, l’improbable. L’ange me remercia d’un signe de tête !!! Le choc me repoussa en arrière et je tombais assise sur un banc. Et alors que je tentais d’assimiler ce que je venais de voir, j’observais la file de gens qui continuait à avancer, aveugle à ce qui venait de se passer. Et, n’étant pas très sûre de ce que je venais de voir, je finis par reprendre place dans la file.

    J’avais hâte d’en parler avec ma grand-mère et, rentrée à la maison, je lui dis « Mémé, je crois que j’ai vu un miracle ». Je n’étais pas trop sûre. Bien sûr, j’en avais entendu parler, mais comme quelquechose dont on parle sans l’avoir jamais vu, alors pourquoi là, maintenant, devant moi ? Ma grand-mère, avec un petit sourire, me dit « ah bon ? Raconte ! » et je lui dis ce que j’ai vu. Ma grand-mère se met à rire et m’explique alors les automates et nous en rions ensemble. Ah ouf ! Ce n’est que ça…

    Il n’empêche que l’après-midi, je suis retournée à l’église avec ma tirelire et, à chaque fois que l’ange me disait merci, j’étais toujours aussi émue.

    Depuis, j’essaie d’être à la hauteur, toujours, du merci de cet ange.